Epilogue
Saint Petersbourg, 31 mars 2015, 21h. Nous franchissons le pas de notre guesthouse. Il n y a plus d échappatoire. Pour la dernière fois, nous rangeons nos affaires. En silence, un peu plus lentement, puisque l excitation habituellement ressentie fait cette fois-ci défaut. Non, nous ne partons pas à la découverte d une nouvelle contrée. C est bien vers la mère patrie que nous nous dirigeons. Nous prolongeons cette ultime soirée comme nous le pouvons: une dernière partie de tarot, avant que les écrivains du groupe ne complètent leurs cahiers, tandis que les autres surfent sur internet. Inutile d esperer repousser l inéluctable, le combat est perdu d avance. Nous allons finalement nous coucher. Demain, nous serons à Paris.
Alors que notre expédition arrive à son terme, que pourrait-on ajouter? Comment résumer en quelques lignes, en quelques mots, 132 jours à gambader à travers le continent asiatique? De l anarchie indienne à la rigueur russe, en passant par les montagnes nepalaises, les cascades laotiennes, les temples cambodgiens, les plages thaïlandaises, le froid mongol, il n y avait finalement qu un pas, que nous avons allègrement franchi, d un pas décidé, l esprit résolu, le sourire aux lèvres. Nous avons ri et partage, plus que de raison. Nous avons appris de ces peuples au mode de vie souvent diamétralement opposé au nôtre. Il faudra du temps avant de pouvoir mesurer l étendue de la transformation qui s est opérée en chacun d entre nous; on revient forcément change d une pareille aventure. Nous qui nous connaissions déjà si bien avons appris a nous connaître encore mieux. Les masques sont tombés, les apparences ne sont plus, les carapaces se sont brisées sous les coups de boutoir du temps.
Merci au lecteur régulier et occasionnel. Merci à nos familles et nos amis venus si gentiment nous rendre visite. Vos irruptions furent un rayon de soleil dans un ciel déjà azur.
Arrigo Sacchi entraînait le grand Milan AC en ceinturant ses joueurs d une corde, pour leur apprendre à se mouvoir en même temps et respecter constamment un même espace entre eux. Peu à peu, des cordes invisibles se sont nouées entre nous. Nous voilà aujourd hui pieds et poings liés, unis par cet indéfectible lien nommé amitié. A tout jamais.