Népal: Trek dans les Annapurnas
31 decembre 2014. 4h30 du matin. Il fait nuit noire, le monde dort. Enfin, une alarme retentit. Lentement, les yeux à demi-clos, les corps s ébrouent, s étirent et s extirpent de la chaleur rassurante du duvet, ultime rempart contre la température environnante negative...vite, surtout se dépêcher, ne plus perdre de temps! Dans moins de 24h, nous serons en 2015, mais ce passage de flambeau ordinairement au centre de nos préoccupations en cette période de l année nous semble dérisoire au regard de notre destination...Poon Hill! Magiques, ces deux mots sont pour nous l évocation et l incarnation d une beauté pure, d un paysage montagnard lumineux.
Nous sommes au troisième jour de notre ascension, celle devant mener cinq franciliens purs citadins jusqu au camp de base de l Annapurna, 4130m au-delà du niveau de la mer. "La première journée sera la plus éprouvante", nous avait prévenu Tulai. Il n avait pas tort, l ascension quasi continue de Nayapul à Ulleri (1070m jusqu a 2070m) avait déjà largement entamé nos organismes...
Mais avant de poursuivre, rembobinons et plantons le décor: un guide nepalais, Tulai, renommé Winnie l Ourson ou Gimli, qui nous demande de ne pas charger nos sacs et de marcher lentement; des sacs de 12 kilos encombrés par 1 kg (bon, d accord, 1,5kg pour Julien et Ron) de fromage de yak, 1 miche de pain qui se désintégrera dès J1 dans le sac de Ben, des Snickers à foison, deux bouteilles de champagne pour célébrer le nouvel an (Olivier et Ben perdants au Shifumi les porteront une demi-journée de plus que les autres...), des guirlandes et noeuds papillons (merci Stéphanie!), des bonnets animaliers, suffisamment de matériel informatique pour pirater Pyongyang...bref, des consignes respectées!
Dispositif tactique: queue-leu-leu, tous derrière Tulai...tout naturellement, nous nous échapperons tous successivement dans chacune des montées, parce que bon, y en a marre de piétiner...
Notre quotidien de randonneur etait rythme par des plaisirs simples: lever tôt (trop!!), petit-déjeuner glouton, déjeuner léger, dîner jusqu a déborder de riz, coucher tôt. Et entre-temps...bah, on marche! Ça monte, ça descend, ça monte, ça monte, ça monte encore (mais c est pas possible, il nous avait dit que ce serait plat aujourd hui!!)...au total, 2700m de dénivelé positif, pour gravir la montagne nepalaise jusqu au camp de base de Machhapuchhre (MBC) à 3750m de hauteur, soit un cheveu sous le camp de base de l Annapurna (bon, un long cheveu de 400m), inatteignable en raison d un enneigement persistant...impossible de déblayer un quelconque chemin la neige jusqu aux genoux, d ailleurs, des hélicoptères évacuaient ceux ayant pu y accéder trois jours plus tôt!! ABC (Annapurna Base Camp) restera pour nous une chanson, à charge de revanche!!!
La magie de cette première vraie expérience montagnarde nous laissera emplis de souvenirs: le suspense quotidien en espérant une météo clémente permettant de poursuivre l ascension, le lever du soleil sur Poon Hill, le froid, le coucher sur MBC (Julien et Ron trop occupés à regarder "Le Pont de la Rivière Kwai"), le froid, des kilos de Dal Bat, muesli, porridge engloutis, le froid, des litres de sueurs évacués, le froid, des vêtements constamment trempés et n ayant pas le temps de sécher pour le lendemain, le froid, des parties de cartes endiablées (Tulai se révélera un coriace adversaire), le nouvel an à 5 dans une chambre de lodge (transis de froid), les sources chaudes, la rencontre de Rafael (indépendantiste catalan et grimpeur de montagnes aux quatres coins du globe), la descente en moins de 7h de MBC à Chomrong (1500m de dénivelé négatif, qui arrachera à Tulai ce compliment: "Demain, je vends mes chaussures de trek. Vous êtes des grands malades"), et bien d autres encore...
Mais puisque une image vaut mille mots (ca va faire beaucoup de mots)...